Évasion by Benjamin Whitmer

Évasion by Benjamin Whitmer

Auteur:Benjamin Whitmer [Whitmer, Benjamin]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman noir
ISBN: 9782351781876
Éditeur: Éditions Gallmeister
Publié: 2018-09-05T22:00:00+00:00


32

Les journalistes

C’EST une prairie fantôme. Angoissante et froide sous l’étrange clair de lune. Monde étiré, fin, comme si quelqu’un avait monté la pesanteur d’un cran. Sifflement à peine audible de la neige qui tombe, oblique dans le vent puissant. Arbres sombres aux contours flous, qui renvoient à Stanley son regard noir. Tout est fixé comme sur une page. Creuse, froide, emplie d’échos et d’abandon.

Stanley ressent aussi l’étrangeté de ses propres mouvements. La neige accumulée qui lui aspire les pieds. Les bruits, les craquements qu’il entend tout autour sans vraiment parvenir à les localiser. Sans doute des masses de neige qui tombent des arbres. Des branches qui cèdent, charge limite atteinte. Sans doute.

Ils ont les chiens, maintenant. Les chiens de Perry. Ils sautent de congère en congère, là-bas, devant. Mais ils ne sont pas nécessaires. Pas vraiment. La neige n’a même pas encore recouvert les traces des évadés.

— Ils sont capables de suivre une piste dans la neige ? dit Stanley à Perry.

— Ils sont capables de suivre des pistes dans ce que tu veux, dit Perry.

Il marche derrière ses chiens à côté de Stanley, Garrett les suit un peu plus loin. Stanley a envie de demander à Perry pourquoi ils ont appelé les chiens à l’aide, mais son œil qui pend est pris de tics à chaque fois que Stanley lui demande quelque chose.

Shitkick et Grace se sont déployés de chaque côté, ils apparaissent et disparaissent dans la neige. Shitkick a réussi à mettre la main sur un fusil automatique Browning M1918 on ne sait où. Il le porte par la crosse. Il entonne un chant de marche d’une voix juste assez forte pour que les autres l’entendent au-dessus du bruit du vent. On sent bien que c’est l’effet recherché.

“Le napalm, mon petit, c’est carrément poilant,

Que tu le largues en bombes ou que tu le tires au fusil

Ça te chope le niakoué quand il est sur les dents,

Ça colle bien comme il faut à la peau des enfants.”

Stanley marque le pas, se retrouve un peu en retrait à côté de Garrett. Le jeune gars a des yeux cernés de rides qui appartiennent à un homme de quinze ans de plus que lui. Elles datent toutes de cette nuit.

— C’est pour toi, dit Stanley.

— Je sais.

— Quand ça se mettra à canarder, je veux que tu te caches quelque part. Va pas exposer ton petit cul d’abruti en plein milieu de cette merde pour essayer d’empêcher que ça se produise.

— Y a pas intérêt que ça canarde.

— Shitkick se balade pas avec ce fusil automatique juste pour rigoler.

— Si, c’est exactement la raison pour laquelle il l’a pris. (Garrett a des stalactites qui pendent sous sa moustache à cause de la morve qui coule de son nez de manière continue.) J’aimerais trouver le type qui leur file les amphés. Voilà ce que j’aimerais faire.

“Tirer sur des bonnes femmes c’est vraiment très poilant,

Bute-z’en une qu’est enceinte, qu’il me dit le sergent,

Ça te fera deux citrons pour le prix d’une maman,

Le napalm ça colle bien à la peau des enfants.



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